Allez hop, à la demande de certains, voici (enfin) le nouveau chapitre complet de Wolf's Heart
11. Révélation.Les deux jeunes humains marchaient côte à côte. Ils avaient rejoint un village, comme l'avait voulu Lorens. Ils avaient laissé la meute dans la forêt proche, avec leurs chevaux entravés. Dissimulés par des capes à larges capuches rabattues sur leur tête, ils se faisaient discrets dans la rue. La misère était évidente. Cela semblait devenir de pire en pire depuis l'assassinat du roi et la venue de cet étrange despote. Curieusement, le jeune homme serra le poing, comme en proie à une grande rage.
Lorens les entraîna dans une taverne. Plus âgé que Sienna, sa présence était moins suspecte. Il demanda deux bières, puis s'intéressa, mine de rien, à l'état du village et du pays. Le tavernier ne semblait pas satisfait du tout, mais il s'avéra qu'il avait également très peur.
«Des bêtes atroces, étranger. Elles traquent je ne sais pas qui. Paraît que ce serait un fuyard du château. Elles s'attaquent aux loups aussi, mais on ne va pas se plaindre d'être débarrassés de ces saloperies. En revanche, les jeunes filles seules y passent aussi.
-Je vois... Et les soldats du roi?
-Morts, et puis il n'y en avait pas beaucoup dans le coin.
-Vous ne sauriez pas où je peux encore en trouver?
Le tavernier se tendit, et se mit à frotter son verre avec plus de vigueur.
-Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai de tels renseignements?
-Oh, je ne sais pas... Ca bavarde toujours beaucoup dans les tavernes.
L'autre sembla fâché. En réalité, il était mort de peur à l'idée que les créatures ne sachent quoi que ce soit.
-Je n'aime pas beaucoup vos insinuations, jeune homme.
-Allons, allons, je suis sûr qu'on va trouver un moyen de s'entendre.
Lorens glissa discrètement une pièce d'or dans la main du tavernier. Ce dernier la considéra un moment, et se radoucit.
-Bien entendu. Il se pourrait que je sache quelque chose à ce propos.
Une pièce d'argent rejoignit la pièce d'or, et la langue de l'homme sembla se délier.
-Oui, il y a bien des hommes qui étaient soldats du roi, cachés pas loin du village. Leurs chevaux sont dissimulés dans une vieille grange, et eux sont dans la cave d'une maison abandonnée. C'est environ à quinze minutes à pied à l'Est du village, ce n'est pas difficile à trouver.
Sous sa capuche, Lorens sourit.
-Merci bien.
L'autre parut inquiet.
-Vous n'allez pas les livrer?
-Non, loin de moi cette idée. Simplement... discuter.
Il vida sa chope d'une traite, puis se leva, entraînant Sienna qui avait à peine touché à la sienne. Une fois dans la rue, elle lui demanda quelques explications.
-C'est quoi cette histoire de soldats du roi?
-Tu verras.
-Mais pourquoi tu veux aller les voir?
-Sienna... Pas de questions pour le moment, d'accord?
Ils quittèrent le village pour retourner auprès des loups. Et surtout, récupérer leurs chevaux. Cobalt s'approcha de Sienna dès qu'il la vit, et la questionna alors qu'elle se mettait en selle.
-Alors, quelles nouvelles?
-Je ne sais pas, on doit aller voir des soldats, mais il ne veut pas m'en dire plus.
Spyder grogna un peu plus loin.
-Tu veux que je lui morde le croupion? Sa langue se déliera vite.
-Spyder! la rabroua son frère.
-Quoi?
Sienna réfléchit.
-Je me demande si le meux n'est pas que vous nous attendiez ici. Ce n'est pas loin, et ça fera moins suspect.
Le loup blanc eut l'air contrarié.
-Ce sont des soldats. Je n'aime pas ça. Si nous sommes avec vous, nous pouvons vous protéger.
-Ca ira. Et ils ne risquent pas de beaucoup aimer les loups.
Elle passa sa main sur la tête de Cobalt, puis rejoignit Lorens qui s'était éloigné de quelques pas. Alors qu'ils prenaient la route au trot, Mononoke vint s'asseoir à côté du loup blanc.
-Qu'est-ce que tu en penses?
Le vieille louve hocha la tête.
-Son instinct la travaille. On ne peut rien faire contre ça. Toi non plus, Cobalt.
Il détourna la tête, et son regard resta fixé un moment sur Akela.
-Pas plus que tu ne peux lutter contre ça.
Agacé, Cobalt se leva et alla s'étendre à l'écart des autres.
***
Comme l'avait dit le tavernier, la cachette des soldats n'était pas loin. Et encore moins à cheval. Les deux amis avaient trotté jusque là, et avaient laissé leur montures dans la grange avec une bonne dizaine de leurs congénères. La preuve qu'on ne leur avait pas menti.
Ils gardèrent leurs capuches en s'approchant de la maison abandonnée, puis en y entrant. Lorens était aux aguets, la main sur la poignée de sa dague. La trappe qui conduisait à la cave était dissimulée par un tapis en peau de bête passablement moisi. Le jeune homme le déplaça, puis tira sur le lourd anneau de métal, soulevant la trappe. Il précéda Sienna en bas, en lui recommendant de prendre garde à l'échelle branlante.
La lumière tramblotante d'une chandelle les guida le long d'un couloir humide et sombre, jusqu'à une pièce plus vaste, où une dizaine d'hommes parlaient autour d'une table, à la lumière d'une chandelle posée dessus.
Celui qui semblait être le supérieur se leva d'un bond en voyant les deux étrangers encapuchonnés, faisant tomber sa chaise dans son mouvement brusque. Rapidement, ils furent encerclés par les soldats qui brandissaient leurs épées. Sienna resta indécise, quant à savoir quelle attitude adopter. Ne rien faire ou bien utiliser ses boules de feu?
Lorens tendit le bras pour la faire rester derrière lui. Puis, il mit ses mains à sa capuche.
-Qui êtes vous? Que venez vous faire ici? Et surtout, comment nous avez-vous trouvés?
Le jeune homme ne répondit pas, et se contenta d'abaisser sa capuche, dévoilant son visage à la lumière tremblotante de la chandelle. Le meneur resta bouche bée, à contempler Lorens. La jeune fille se demanda ce qu'il pouvait bien y avoir pour qu'il soit aussi abasourdi.
-Baissez vos armes!
L'ordre était plutôt inutile. Les autres avaient réagi de la même manière. Bientôt, ils étaient tous inclinés devant le nouveau venu.
-Prince Lorens! Quel miracle vous amène ici?
Sienna sursauta et regarda son compagnon de voyage, croyant avoir mal entendu. Lorens, un prince? Le prince légitime de ce royaume? Le Lorens qu'elle connaissait, avec qui elle avait appris à se battre, avec qui elle avait partagé ses repas, contre qui elle avait dormi? Il lui adressa un léger sourire, qui pouvait passer pour une excuse muette.
-Une prise de conscience. Le trône qu'on a usurpé à mon père est mien, et je compte bien le récupérer.
Il fendit le groupe d'hommes d'armes et alla s'installer à table. Leur intérêt semblait être considérablement éveillé.
-Comment comptez-vous faire?
-Je veux rassembler tous les anciens soldats de mon père. Lever une armée avec toutes nos forces.
-Ce sera bien maigre.
Lorens regarda Sienna une fraction de seconde.
-Je suis certain que nous aurons de l'aide extérieure. Vous êtes avec moi?
-Bien entendu, mon prince!
Le jeune homme parut satisfait.
-Au fait, je ne connais pas votre nom?
-Capitaine Welian, à vos ordres. Et ce sont mes hommes.
La jeune fille le reconnut alors. C'était le soldat qu'elle avait vu le jour où elle avait rencontré Cobalt, Spyder et Guehjone pour la première fois, et qui avait été bon avec elle. Il avait changé, certes, avec cette barbe de plusieurs jours qui lui recouvrait les joues. Mais son regard était le même, sa voix également. Il avait juste récolté une cicatrice au niveau de la pomette.
Ils restèrent longuement avec les soldats. La nuit était tombée depuis longtemps quand ils décidèrent de se séparer. Welian les pria de rester au moins pour la nuit, mais ils refusèrent poliment, prétextant qu'ils avaient du monde à rejoindre.
Alors qu'ils chevauchaient botte à botte dans la nuit, Lorens rompit le silence.
-Désolé de n'avoir rien dit...
-Pourquoi tu t'es tu? Tu aurais quand même pu m'en toucher un mot! Au moins à moi!
La jeune fille avait la gorge serrée. Envie de pleurer aussi, bien qu'elle ne sache pas pourquoi.
-J'avais peur. Peur d'être ce que je suis. C'est Akaha qui m'a fait m'assumer.
-Alors comme ça, tu es le prince?
-Oui. J'avais fui à cause de l'envahisseur, sous ordre de mon père. C'est moi qu'ils recherchent. Et je suis une des causes du malheur de mon peuple. Bien piètre futur roi que je fais...
Sienna fit un effort pour traduire son angoisse.
-Tu vas me laisser maintenant?
-Comment ça?
-Eh bien, tu as un royaume à reconquérir, et tu as retrouvé ta place...
Lorens fit piler Subtil. Il regarda sa compagne de voyage, son regard d'émeraude dans les yeux bleu limpide de Sienna.
-Qu'est-ce que tu as été te fourrer dans la tête? Sienna, je n'ai pas l'intention de te laisser! Pour aucune raison!
La jeune fille détourna le regard avec un léger sourire, l'obscurité cachant ses joues rougissantes.
-Je suis rassurée alors.
Le prince sourit et lui ébouriffa les cheveux avec amitié.
-Idiote va...»