Un très court et très triste one-shot, fait sur mon brouillon de bac blanc, mon stylo écrivant ce qui me passait par la tête... Structure proche du poème en prose.
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Le sang avait coulé le long des marches, là où l'ange s'était traînée. Elle gisait sur le sol, sur les dalles froides de ce cachot. Par la fenêtre barrée s'infiltrait une lumière blafarde et tremblotante.
Couchée là, dans le froid, à peine vêtue d'une tunique blanche et fine, déchirée dans sa chute. Couchée là, le visage baigné de larmes, à moitié en vie, à moitié morte, sa longue cascade de cheveux blancs en désordre autour de sa tête. Couchée là, le coeur meurtri par une plaie béante, plus profonde que n'importe quel mal physique. Couchée là, ses vêtements, ses cheveux et sa peau claire s'imbibant de sang à chaque seconde. Couchée là, au milieu de centaines de plumes blanches parfois éclaboussées de gouttes écarlates. Couchée là, pauvre créature, deux plaies sanglantes entre les homoplates.
On lui a coupé les ailes. Pauvre ange, ange déchue, dont le seul crime est d'avoir vécu ce qu'elle dispensait à autrui. Car elle a aimé. Elle a aimé un homme comme elle ne l'aurait pas cru possible. Lui un humain. Elle une ange. Les anges ne peuvent pas aimer. Les anges sont les messagers et les valets des dieux. Pauvre ange.
Couchée là, secouée d'un rapide frisson. Couchée là, elle ouvre lentement les paupières sur ses prunelles d'azur pour fixer un moment la voûte de ce tombeau. Couchée là, refermant bien trop vite les yeux, des larmes argentées coulant le long de ses joues. Couchée là, mourante, n'attendant plus rien. Couchée là tandis que la brume se déversait par le soupirail. Couchée là, respirant par saccades.
Elle hait cette injustice. Pourquoi dipenser le bonheur sans pouvoir être heureuse? Pourquoi les anges n'auraient-ils pas droit au bonheur, à l'amour? Parce qu'un ange qui connaît ces sentiments devient un humain, s'exposant au Mal par le revers de l'amour. Alors, on lui a coupé les ailes. Déchue.
Un soupir déchirant s'échappe de ses lèvres. Sa poitrine se soulève dans un spasme. Son corps a un sursaut. Sa respiration se fait silencieuse. Sa poitrine se fige doucement. Une ombre de sourire passe sur ses lèvres. C'est fini. Son tourment prend fin. Elle accueille cette trêve avec bonheur. Couchée là, dans le sang, les plumes et le froid. Pauvre ange. La vie vient de te quitter. Une étoile est tombée.